année 1843-1844
chemins de fer, une musique instrumentale à St-Martin… et je quitte ma "Grange-Blanche" bien aimée
La loi qui décrète la construction des chemins de fer en France est celle du 11 juin 1842.
Mais la France n'est pas complètement privée de ces voies de communications rapides, puisqu'elle a déjà plusieurs lignes d'intérêts privés qui n'ont aucun rapport entre elles, avec des entreprises isolées.
Autour de Paris rayonnent déjà 5 chemins de plus de 300 kms.
Sur notre région une ligne de 58 kms relie Lyon à St-Etienne, avec une gare à Trêves et à Couzon ;
une autre de 22 kms St-Etienne à Andrezieux et une de16 kms Montrond à Montbrison.
Ces machines bruyantes transportent à vive allure des marchandises (animaux, charbon, bois… et des voyageurs.
En 1843, Il s'est établi à St-Martin une musique instrumentrale. Son auteur a été M. Duron qui est devenu vicaire. Il s'est trouvé fort surtout pour les instruments en cuivre.
Il a commencé par la musique vocale, ensuite une quinzaine ont acheté des instruments et peu à peu sont devenus importants, il y avait aphicleide, clavecin, corps de chasse, cornet à piston, trombonne, grosse caisse, cymbale et pavillon chinois.
Tout cela faisait un très bel effet, mais les personnes âgées n'étaient pas contentes. Seulement pour les grandes fêtes il y avait tous les instruments , les dimanches ordinaires, il n'y avait que 3 ou 4 instruments.
Pour la fête de la Toussaint, mon oncle est venu m'annoncer qu'il voulait me prendre pour quelques temps chez lui et ensuite me faire leur héritier. C'était une bonne nouvelle, mais celà m'a donné de vives inquiétudes. J'étais bien tranquille avec mon frère auprès de ma mère dans la maison paternel, il y avait besoin d'un homme pour aider à travailler et moi je pouvais suffire en faisant valoir ma portion que j'avais reçue de la succession de mon père. J'étais jeune encore et là auprès de ma mère, rien ne me manquait. D'un autre côté je voyais se présenter un bel avenir pour moi, puisque mon oncle me promettait de me marier sous peu et qu'après sa fin, j'aurais une partie de son bien. Quand je voyais qu'il fallait quitter mes bons parents que j'aimais tant, ce bâtiment grand et commode où j'avais passé mes tendres années, cette vaste prairie et cette riante colline où j'aimais tant me promener, je ne pouvais m'empêcher de verser des larmes. Je disais en moi-même : "Sera-ce pour mon bonheur ou mon malheur ? Peut-être l'épouse qu'il me feront prendre sera t-elle à mon gré, lui conviendrai-je aussi moi-même, ne serait-ce pas peut-être la fortune qui lui fera envie et non pas moi ?"
Ce jour était arrivé, ce fut le 1er jour de l'an 1844 que je quittais les lieux chéris de mon enfance. Ce jour là mon frère et ma belle-soeur étaient allés à Bissieux. Ils m'avaient promis de venir nous dire adieu, mais ils n'en firent rien. J'attendis jusqu'à 9 heures et enfin voyant qu'ils ne venaient pas, je pris mon petit paquet, j'embrassai ma mère. Je ne pu rien lui dire, j'avais le coeur gonflé, de grosses larmes tombaient de mes yeux, j'étais vivement affecté. Ma mère ne pouvait s'empêcher de pleurer, mais m'encourageait le mieux qu'elle pu. Enfin il fallait quitter cette mère chérie et cette séparation me coûta chère. Je disais en moi-même : "Chère Grange-Blanche où j'ai passé de si beaux jours au sein de notre chère famille sous la surveillance de parents qui ne cessaint de prodiguer leur soin sur notre âge tendre entre les bras duquel j'ai passé des jours si sereins où rien n'avaient encore troublé mon bonheur, que la perte de mon père". Tout en pensant ainsi, je m'éloignais de la maison, j'étais sur le point de la perdre du vue lorsque mes yeux se retournant en arrière pour la dernière fois mon coeur répète encore ces douloureuses paroles : Grange-Blanche, il faut te dire adieu !
Un moment après j'étais à la Roussillère, auprès de mon oncle et de ma tante qui étaient sur le point d'aller se coucher. Je leur fit mes souhaits de bonne année, ils me firent très bon accueil. Il me semblait trouver en eux sinon un père et une mère, mais des bienfaiteurs qui s'intéressaient à mon bonheur. Je passais ainsi plus de 2 ans avant de me marier, quelques moments contents, et quelques moments ennuyés. Enfin, ils proposèrent de me marier, celà me fit plaisir, je serais établi, il ne me faisait pas de gros avantages, il me donnait le demi-quart et le quart entre nous deux. C'est à peu près l'équivalent que j'avais reçu de la succession de mon père. Une fois installé j'ai été traité mieux que je méritais, mais ça m'a pas empêché de regretter bien des fois ma chère "Grange-Blanche". Enfin j'élevais mon cœur à Dieu et lui offrait mes peines, car je pensais que beaucoup d'autres se trouveraient trop heureux d'être à ma place.
Dès la première année, je fis la connaissance avec celle qui devait faire l'objet de mon amour. Mais comme je n'étais pas encore sûre de mon affaire, je me contentais d'aller la voir de temps en temps et de lui témoigner mon amitié, et quand mon oncle m'avertit de notre prochaine alliance, mon cœur tressailli de joie. J'aurais voler chez elle pour lui ouvrir mon bonheur, mais mon cœur ne pouvait se livrer sincèrement à la joie. Le caractère de mon oncle et de ma tante me donnait des craintes pour l'avenir, enfin je me confiais à la divine providence qui dispose de tout et qui fait tant pour le bonheur de ses enfants.
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Date de dernière mise à jour : 06/11/2019